COURRIER DES AMIS - PENSEES

 

 

LE CRI DE DOULEUR DE LA POÉSIE

 

Descartes, rené Descartes, a dit : « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. » le bon sens, non le jugement, car le jugement n’est pas donné, ce n’est pas une qualité de l’esprit mais un travail. Le travail que l’esprit fait avec la raison sur le réel en vue d’atteindre une vérité.

 

Quelle est cette vérité que l’esprit obtient par son travail de jugement ? Cette vérité pour les êtres de langage que nous sommes se présente comme un énoncé : ce que le langage énonce du réel à partir d’une expérience qui engage le corps en tant qu’il est le lieu où le réel advient pour un être de raison. Cela entend que la grammaire qui ordonne les énoncés s’accorde à l’expérience que mon corps a du réel dans ses articulations. « Je vois une pierre tomber » est l’énoncé de l’expérience du mouvement que la pierre tombant imprime à mes yeux. Je postule que « la pierre tombe » est l’énoncé qui rend compte du mouvement de mon regard qui suit la pierre : c’est une représentation, une énonciation du mouvement. La raison est donc cette capacité de l’esprit à ordonner dans le langage, au moyen du jugement, ce qui se présente comme une expérience pour le corps.

 

Ceci est de grande conséquence. Cela signifie qu’il n’y a de vérité que de l’expérience et que l’expérience dépend d’un corps déterminé ; que rien du réel ne peut m’être délivré hors du champ expérimental que constitue la présence de mon corps dans le réel.

 

Dans ces conditions qu’est-ce qui suscite la science, l’art, la poésie dans le mouvement de leur désir d’embrasser tout le réel au-delà même de ce qui en est accessible par les sens, expérimentable par aucun corps ? Ce ne peut être ni la raison ni le jugement seuls puisque l’art, comme la science et la poésie viseraient dans ce désir un au-delà de toute expérience possible du corps dans le réel : l’énonciation d’un langage qui excède ses possibilités mêmes, c’est-à-dire qui dépasse le principe de non-contradiction : ce dont, par exemple, la physique quantique nous donne l’intuition mais que nous ne pouvons pas saisir, car nous ne pouvons rien nous représenter par nos sens qui ne soit une expérience pour notre corps ; cette symbolisation abstraite inépuisable nous entrouvre une porte sur ce qui du réel nous sera à jamais refusé comme représentation sensible : le tout de l’être en tant que pur signifiant rationnel, pur logos.

 

Ce mouvement de la science et de l’art, ce ne peut être que le désir d’embrasser le tout de l’être et de n’y atteindre jamais, de s’y efforcer toujours !

 

Ainsi le cri de douleur de la poésie.

 

©Jean-Michel Mayot, poète

 

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LES POÈTES

 

Baudelaire, Charles Baudelaire, à qui sa grande intelligence, sa sensibilité terrible, auraient dû offrir le monde, vécut humilié, injurié, rabaissé. Il aima Jeanne Duval au corps charmé et la belle et blanche madame Sabatier sous les vents de l’opium poussant les feuilles d’huissier !

Napoléon Badinguet, étrange maçon de l’obscurité, pour un temps triomphant, portait loin sa bedaine et son petit sexe de chat madré.

Plus loin Rimbaud, Arthur Rimbaud, après avoir tiré ses flèches étoilées alla porter ses jambes ailées là où poussait l’or parmi le sang et le sable, le soleil et les chameaux. La fin du jour le prit au genou et Claudel, le bon Paul Claudel, en fit, ad majorem gloriam Mariae, un sâdhu de Jésus ignoré !

Thiers que les moustaches de Bismarck le caressant agaçaient, pendait à ses « breloques à chiffre » et toussait. Le canon tonna, mêlant parmi les gravats la crotte des chevaux aux cerveaux des enfants. Les lourds pavés glissaient sous l’œil oblique des boutiquiers.

Plus loin encore Artaud, le divin Antonin, un jour d’improbable lumière échoua aux urgences des aliénés. « Prétentions littéraires » nota sur son cahier l’interne inspiré. Deux fois ses longs pas avaient croisé les lourdes bottes allant l’oie des beaux enfants de Thiers et de Bismarck cadençant les cours incertains de la Bourse aux valeurs de l’industrie et de la finance réunies.

Desnos et Max Jacob, le doux Max, l’inégalé, mêlèrent leur sang d’intelligence et de joie aux fientes des corbeaux là-bas, loin, trop près de nous. Lorca à l’âme de cristal leur avait ouvert la voie son corps de laine et de soie livré aux lourds fusils de la Bête qu’une multitude acclamait

Est-ce vraiment si simple d’être poète si le monde n’en veut pas des poètes .

 

Jean-michel MAYOT
Son adresse dans "Les amis de Pierrot"

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 DIX CONSEILS

de l'écrivain amateur

  "Ces conseils s'appliquent essentiellement à l'écriture en prose, nouvelles, contes et romans."

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• Ecris avec ton cœur, ce que tu sens, ce que tu sais, ce que tu es.

 

• Ecris uniquement si tu en as le désir ou le besoin, si tu as une histoire ou une idée qui demande à être exprimée.

 

• Ne te contente pas du premier jet, un texte a besoin d'être relu et remanié plusieurs fois, tu dois le peaufiner jusqu'à ce qu'il te convienne comme un gant de cuir sur ta main.

 

• Documente-toi, n'écris pas à la légère, même si tu crois connaître le sujet recherche les plus petits détails dans leur vérité, ils rendront ton texte plausible. La fiction et l'imaginaire sont soutenus par la réalité.

 

• Fais attention à la forme, il n'y a pas que le fond qui compte, l'orthographe et la syntaxe sont la charpente de ton texte.

 

• Prends du plaisir à écrire, imprègne-toi de tes personnages et de leur histoire. Si en les faisant " vivre " tu es captivé par le sujet, si tu ressens l'émotion que tu essaies de décrire, ton écrit aura un certain impact sur tes lecteurs.

 

• Ne crains pas la critique, tu en as besoin afin de prendre un peu de recul par rapport à tes écrits. N'écoute pas que les compliments, cultive au mieux ce qu'une critique peut t'apporter.

 

• N'aies pas honte de vouloir être lu, et ne crois pas forcément ceux qui disent écrire pour eux-mêmes, ils sont très rares. Un écrivain a besoin d'être lu, c'est une manière d'être reconnu et il n'y a rien de plus légitime.

 

• Sois modeste, la célébrité n'est peut-être pas pour demain, mais là n'est point le but de l'écriture. Raconte une histoire, raconte la bien, sois conscient de la plénitude qui t'habite pendant l'acte d'écriture. Le reste viendra après… et qu'importe ce qu'il est.

 

• Lis beaucoup, ne copie jamais ! Tu te ferais insulte à toi-même. Tu es riche de ton imaginaire, de tes connaissances, de tes sentiments, de ton expérience de vie… et de ta plume. Ce sont tes seuls outils.

 

©Aliza Claude Lahav

 

Merci Aliza de nous avoir envoyé aimablement ce texte.

 

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CONSEILS A UN JEUNE POÈTE

Par Jean L'Anselme

Certes, je ne vais pas tout te dire; je me limiterai à quelques points et

non des plus encourageants. Ne te crois pas tout d'abord issu de la cuisse

de Jupiter. Remettons la poésie à sa juste mesure, ce n'est plus un objet de

culte, une affaire de caste. On ne naît pas poète, on naît comme on est,

c'est-à-dire comme tout le monde. N'importe qui peut être poète, je suis

moi-même n'importe qui. Il n'y a d'ailleurs pas d'école où on enseigne la

poésie pour en ressortir avec un CAP alors que, dans les autres domaines de

l'art, il existe des conservatoires et des académies. C'est une réalité à

laquelle on ne songe guère. Nous sommes donc des millions de poètes comme

toi. Souvent sans le savoir.

Le statut de poète a donc bien changé. Le poète n'est plus celui qui dans le

ciel cherche la route que lui montre la main du seigneur , comme le

définissait Chatterton, son existence est plus terrestre, bien plus

ordinaire. Dans la configuration actuelle où chacun dispose de tous les

moyens de communication pour se faire connaître de son vivant, le poète,

comme tout artiste en général, ne travaille plus pour avoir son nom dans le

dictionnaire. S'il n'arrive pas a se faire remarquer avant de mourir, c'est

parce que, tout simplement, il n'en vaut pas la peine. Dans notre société de

(consommation, il se trouve voué, comme le frigo et la télé, à une

utilisation temporaire et immédiate. Il ne dispose que d'une garantie

limitée, il a lui aussi sa date de péremption, la durée de son existence. Le

Conservateur du château de Versailles disait à Jacques Chancel qu'en matière

d'art," nous vivions une période de l'éphémère" . Et cette affirmation, dans

la bouche de celui à qui incombait la protection et la sauvegarde des chefs-

d'oeuvre éternels, résonnait lugubrement.

 

On combat actuellement dans l'art les notions de pérennité et de postérité

en le rendant vulnérable et en l'assimilant à un simple objet d'usage

ordinaire. Les toiles sont peintes "au pistolet"; on incorpore des éléments

qui refusent l'amalgame et se séparent de leur support. Les collectionneurs

s'interrogent sur la durée de leurs acquisitions. On crée des" happenings ",

des "événements", des "autodafés ", c'est-à-dire des oeuvres sans lendemain.

Christo "emballe" le Pont-Neuf et le déshabille quinze jours plus tard.

Personnellement, je travaille beaucoup sur les slogans publicitaires,

l'actualité, ce qui rend mes écrits précaires sans espérance de lendemains

glorieux.

Tu aimes la poésie sinon tu n'en ferais pas. Pour le moment, tu es son amant

(son aimant), tu couches avec, c'est le coup de foudre, Capoue, Cythère, le

pied! Sache toutefois que si tu veux te faire accepter, il te faudra lui

jurer de mourir avec elle et de lui en donner la preuve. Elle n'a cure des

amours passagères, de l'inconstance, des flirts entre deux trains. Pour en

arriver à ce stade, il te faudra traverser un long désert d'indifférence,

d'ingratitude, de solitude où tout ce que tu écriras en t'arrachant les

tripes comme le pélican, tombera dans un puits profond sans le moindre écho.

Songe qu'à l'approche de mes 55 ans, après avoir écrit je ne sais plus

combien d'ouvrages, Pierre Seghers me disait : "Tu vois, tu es encore pour

moi un jeune poète ". N'est donc pas poète qui le veut, mais qui le prouve,

à la longue, patiemment.

Nous l'avons dit, il n'y a pas d'école pour apprendre, alors que fait celui

qui ambitionne d'être poète? Eh bien, spontanément, en bon autodidacte, il

écrit, il écrit d'après ce qu'il connaît, c'est-à-dire ses classiques, donc

à l'ancienne. Il commence donc à faire des " à la manière de" ce qu'il aime,

il fait de la décalcomanie vieillotte. Mais il lui faut passer ce cap, il

lui appartient pour cela de dévorer tout ce qui est neuf, nouveau,

contemporain. Il passera alors du stade du pastiche à celui de la

connaissance. Il se mettra à écrire différemment, en fonction de ce nouvel

acquit. Ses écrits prendront un nouveau visage, respireront autrement. Tu

peux penser, à ce degré, qu'il est arrivé à la maîtrise, à son apogée.

Erreur! S'il veut être absolument différent, il lui faudra effacer tout ce

qui l'a nourri. "Le véritable artiste, dit Derain, est l'homme inculte",

c'est-à-dire qu'il devra oublier tout ce qu'il a appris pour ne ressembler à

personne.

A l'examen de ce long parcours, tu ne t'étonneras donc pas si le poète ne

peut bénéficier d'une certaine reconnaissance générale qu à I approche de

ses 70 ans et qu'il ne vit véritablement sa grande consécration qu'entre 80

et 95 ans, d'autant plus que les médias qui devraient servir à sa

célébration ne lui accordent pas plus d'importance qu'à un joueur de

quilles.

Je te souhaite donc bon courage et longue vie.

A présent oublie tout ce que je viens de te dire et n'écoute pas les autres.

Si j'avais moi-même suivi les conseils qui me furent prodigués, je n'en

serais pas à prôner un art à contre-culture et à proposer la réhabilitation

du laid pour qu'il Soit le beau de demain. Qui de sensé aurait pu me mettre

sur cette route? Malgré tous ces propos peu encourageants, sache que

l'aventure en vaut la peine. Dis-toi que" la garce n'a pas besoin de fesses

de printemps et d'un sexe de glaïeul" pour qu'on en soit épris d'un amour fou.

Jean L'Anselme

http://poesiepremiere.free.fr/Lanselme.html

 

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