(1861-1941) C'est à l'artiste de proclamer sa foi dans le Oui éternel, de dire:"Je crois en un idéal qui plane sur toute la terre, qui la pénètre toute entière... en un idéal de Paradis qui n'est pas le produit de l'imagination, mais l'ultime réalité où toutes choses résident et se meuvent. Je crois que cette vision du paradis s'aperçoit dans la lumière du soleil, dans la verdure de la terre, dans la beauté de la figure humaine, dans l'illumination de la vie humaine, et même dans des objets en apparence insignifiants et sans attraits. Partout sur cette terre, l'esprit du Paradis veille et fait entendre sa voix. Il atteint notre oreille intérieure sans que nous le sachions, il donne le ton à notre harpe de vie, dont la musique envoie notre aspiration au-delà du fini, non seulement en prières et en espérances, mais en temples qui sont des flammes de pierre, en peintures qui sont des rêves immortalisés, en danse qui est méditation extatique au centre immobile du mouvement. Extrait de "Le sens de l'art" Rabindranath Tagore
J'ai franchi, inconscient, le seuil de cette vie. Par quelle force me suis-je ouvert à ce vaste mystère, comme un bourgeon s'ouvre la nuit dans la forêt? Lorsqu'au matin je contemplai la lumière, je sentis en un instant que je n'étais pas un étranger en ce monde, que l'Être impénétrable sans nom, sans forme, m'avait saisi dans ses bras, sous l'apparence de ma mère. De la même façon, dans la mort, le même Inconnu m'apparaîtra sous une forme familière. Et parce que j'aime cette vie, je sais que j'aimerai la mort. L'enfant geint quand sa mère lui retire son sein droit, et se console aussitôt lorsqu'elle lui donne le sein gauche. Qui court à travers mes veines nuit et jour Court à travers le monde Et danse en pulsations rythmées. C'est cette même vie qui pousse à travers La poudre de la terre sa joie En innombrables brins d'herbe, Et écllate en fougeuses vagues de feuilles et de fleurs .. C'est cette même vie que balancent flux et reflux Dans l'océan-berceau de la naissance et de la mort . Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m'enorgeuillis, Car le grand battement de la vie des âges C'est dans mon sang qu'il danse en ce moment . Ah ! si je pouvais pénétrer jusqu'au centre même du monde de mon Bébé pour m'y choisir une paisible retraite ! Je sais que ce monde a des étoiles qui causent avec lui, un azur qui descend jusqu'à mon visage et l'amuse de ses arcs-en-ciel et de ses nuages bizarres. Ceux qui prétendent être muets et semblent incapables de faire un mouvement se glissent en secret vers sa fenêtre pour lui conter des histoires et lui offrir des plateaux remplis de jouets aux couleurs brillantes. Ah ! si je pouvais cheminer sur les routes qui traversent l'esprit de Bébé et les suivre plus loin, plus loin, au-delà de toutes limites ! Là où des messagers sans message passent et repassent entre les États de rois sans histoire, là où la raison fait des cerfs-volants de ses lois les lâche dans l'espace, là où la vérité libère les faits de leurs entraves. C'est ce chagrin de la séparation qui contemple en silence toute la nuit d'étoile en étoile et qui éveille une lyre parmi les chuchotantes feuilles dans la pluvieuse obscurité de juillet. C'est cette envahissante peine qui s'épaissit en amours et désirs, en souffrances et en joies dans les demeures humaines, et, de mon cœur de poète, c'est toujours elle qui fond et ruisselle en chansons. |
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