CHRISTIAN BOBIN

Un Coup de foudre pour...

CHRISTIAN BOBIN

et tous les sites que vous trouverez avec bonheur sur Google!!!


Après des études de philosophie, il a exercé divers métiers dans des bibliothèques, des musées, des librairies, mais aussi dans des hôpitaux à Besançon et à Dijon. Une des grandes blessures de sa vie est la perte de son amie, morte à 44 ans, d'une rupture d'anévrisme.Il ne croit ni dans l'histoire, ni dans l'économie, ni dans aucun des grands mots que les Académies obligent à écrire avec des majuscules : État, Église, Esprit... Il ne croit qu'à une chose l' amour : l'amour du brin d'herbe, l'amour du monde, l'amour des autres et l'amour de soi qui est «  le premier tressaillement de Dieu dans la jubilation d'un coeur ». On sait aussi qu'il tutoie François d'Assise.(Fugues - FR3)

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«Lire, confie Christian Bobin, c'est débroussailler dans son âme un chemin que les ronces et les arbres effondrés ont depuis longtemps recouvert, puis avancer jusqu'à découvrir un château en ruine dont les fougères sont les princesses et les liserons les sentinelles.»

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Ce n'est pas pour devenir écrivain qu'on écrit.
C'est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour...

Christian Bobin
(La Part Manquante)

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"Au début on ne lit pas...

 

Au lever de la vie, à l’aurore des yeux,
On avale la vie par la bouche,
par les mains,
mais on ne tache pas encore ses yeux,
avec de l’encre.


Aux principes de la vie, aux sources premières, aux ruisselets de l’enfance, on ne lit pas, on n'a pas l’idée de lire, de claquer derrière soi la page d’un livre, la porte d’une phrase. Non, c’est plus simple au début. Plus fou peut-être. On est séparé de rien, par rien. On est un continent sans vraies limites –
et ce continent, c’est vous, soi-même.
Au début il y a les terres immenses du jeu, les grandes prairies de l’invention, les fleuves des premiers pas, et partout alentour, l’océan de la mère, les vagues battantes de la voix maternelle. Tout cela c’est vous, sans rupture, sans déchirure. Un espace infini, aisément mesurable. Pas de livres là-dedans. Pas de place pour une lecture, pour le deuil émerveillé de lire. D’ailleurs les enfants ne supportent pas de voir la mère en train de lire. Ils lui arrachent le livre des mains, réclament une présence entière, et non pas cette présence incertaine, corrompue par le songe.

La lecture entre bien plus tard dans l’enfance. Il faut d’abord apprendre, et c’est comme une souffrance, les premiers temps de l’exil. On apprend sa solitude lettre après lettre, le doigt sur le cœur, soulignant chaque voyelle du sang rouge. Les parents sont contents de vous voir lire, apprendre, souffrir. Ils ont toujours secrètement peur que leur enfant ne soit pas comme les autres, qu'il n'arrive pas à avaler l'alphabet, à le déglutir dans des phrases
bien assises, bien droites, bien mâchées.

C'est un mystère, la lecture. Comment on y parvient, on ne sait pas. Les méthodes sont ce qu'elles sont, sans importance. Un jour on reconnaît le mot sur la page, on le dit à voix haute, et c'est un bout de dieu qui s'en va, une première fracture du paradis. On continue avec le mot suivant, et l'univers qui faisait un tout ne fait plus rien que des phrases, des terres perdues dans le blanc de la page.
On est à l'école, on fait son métier d'enfant. 

Il y a, c'est vrai, un grand bonheur de cette perte-là, de cette trouvaille première de la lecture, de sa capacité à déchiffrer une page, à contempler les ombres. C'est même plus fort que du bonheur, il faudrait pour être juste parler de joie.
De joie et de frayeur.
La joie va toujours avec la frayeur,les livres vont toujours avec le deuil.  

Après, après cette première fin du monde, autre chose commence. Pour beaucoup, l'ennui. Avec la lecture tu achètes quelque chose qui pour toi n’a pas de valeur seulement un prix : une place sur le banc de la classe, un rôle dans les bureaux ou les usines. Alors tu laisses tomber. Tu lis juste ce qu’il faut, par obligation. Plus de joie là-dedans, pas non plus de plaisir : rien que de l’obéissance, ce qu’il faut d’obéissance pour aller jusqu’à la fin des études, aux portes du désert.  

Après tu ne lis rien, même pas le journal, tu fais partie de ces gens qui n’ont pas un seul livre dans leur maison –ces gens-là, un vrai mystère pour les écrivains, ces maisons sous les sables, ces vies où rien ne peut entrer, ni le diable ni les livres. Parfois un dictionnaire, une encyclopédie vendue par un représentant plus malin que les autres, mais on ne les lira pas, c’est pour les enfants, pour le futur, pour les mauvais jours, c’est comme un meuble, un meuble un peu étrange, pas en chêne ou en pin, un petit meuble de vingt volumes papier,payé par traites, on n’y touchera pas.  

Parfois aussi il se passe quelque chose, pour quelques-uns, moins nombreux, bien moins nombreux. Ceux-là sont les lecteurs. Ils commencent leur carrière à l’âge où les autres abandonnent la leur : vers huit, neuf ans. Ils se lancent dans la lecture et bientôt n’en finissent plus, découvrent avec joie que c’est sans fin. Avec joie et frayeur. Ils s’en tiennent au début, à la première expérience. Elle est indispensable. Ils liront jusqu’au soir de leur vie en s’en tenant toujours là, au bord de la première découverte, celle de la solitude, solitude des langues, solitude des âmes. Avec ravissement ils quittent le monde pour aller vers cette solitude. Et plus ils avancent, et plus elle se creuse. Et plus ils lisent, et moins ils savent. Ces gens-là sont ceux qui font vivre les écrivains, les libraires, les éditeurs, les imprimeurs. Les grands livres, les mauvais livres, les journaux, tout est bon àqui aime lire, tout est nourriture à l’affamé.

D’un côté ceux qui ne lisent jamais. De l’autre ceux qui ne font plus que lire. Il y a bien des frontières entre les gens. L’argent, par exemple. Cette frontière-là, entreles lecteurs et les autres, est plus fermée encore que celle de l’argent. 

Celui qui est sans argent manque de tout.

Celui qui est sans lecture manque du manque. 

La muraille entre les riches et les pauvres est visible. Elle peut se déplacer ou s’effondrer par endroits. La muraille entre les lecteurs et les autres est bien plus enfoncée dans la terre, sous les visages

Il y a des riches qui ne touchent aucun livre. Il y a des pauvres qui sont mangés par la passion de lire.
Où sont les pauvres, où sont les riches.
Où sont les morts, où sont les vivants ? C’est impossible à dire.

Ceux qui ne lisent jamais forment un peuple taciturne. Les objets leur tiennent lieu de mots : les voitures avec sièges en cuir quand il y a de l’argent, les bibelots sur les napperons quand il n’y en a pas. Dans la lecture, on quitte sa vie, on l’échange contre l’esprit du songe, la flamme du vent. Une vie sans lecture est une vie que l’on ne quitte jamais, une vie entassée, étouffée de tout ce qu’elle retient comme dans ces histoires du journal, quand on force les portes d’une maison envahie jusqu’au plafond par les ordures.

Il y a la main blanche de ceux qui ont pour eux l’argent.  

Il y a la main fine de ceux qui ont pour eux le songe.  

Et il y a tous ceux qui n’ont pas de main –privés d’or, privés d’encre. C’est pour ça qu’on écrit. Ce ne peut être que pour ça, et quand c’est pour autre chose c’est sans intérêt : pour aller des uns vers les autres... pour en finir avec le morcellement du monde, pour en finir avec le système des castes et enfin toucher aux intouchables, pour offrir un livre à ceux qui ne le liront jamais. "

Christian Bobin
Une petite robe de fête
Ed.Gallimard

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"C'est toujours l'amour qui est blessé,
c'est toujours de l'amour que nous souffrons,
même quand nous croyons ne souffrir de rien"

Christian Bobin - "L'Inespérée"

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AIMER

Vous attendez de l'amour qu’il vous comble.
Mais l'amour ne comble rien, ni le trou que vous avez dans la tête, ni cet abîme que vous avez au coeur.
L'amour est manque bien plus que plénitude.
L'amour est plénitude du manque.

" Le très bas "

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"L'amour est un roi sans puissance, dieu est un homme qui marche bien au-delà de la tombée du jour.
La beauté du visible est faite de l'invisible tremblements des atomes déplacés par son corps en marche".
Christian Bobin

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"Avec la fin de l'amour, apparaissent les rois mages:
la mélancolie, le silence et la joie.
Ils avancent lentement dans l'air bleu.
Ils emmènent avec eux une couronne d'ombre, une larme d'or.
Ils viennent de l'enfance.
Ils pénétrent l'âme lentement... jour après jour.
La mélancolie, le silence et la joie.
Dans cet ordre-là, toujours le silence au milieu, au centre.
La petite robe claire du silence."

Christian Bobin - "La petite robe de fête".

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Les hommes vont en aveugle dans leur vie. Les mots sont leur canne blanche.

Christian Bobin (Le Très-Bas)

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Les enfants, ce n'est pas sorcier, ça pousse à travers nos erreurs.

Christian Bobin (La plus que vive)

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À quoi reconnaît-on les gens fatigués. À ce qu'ils font des choses sans arrêt. À ce qu'ils rendent impossible l'entrée en eux d'un repos, d'un silence, d'un amour. Les gens fatigués font des affaires, bâtissent des maisons, suivent une carrière. C'est pour fuir la fatigue qu'ils font toutes ces choses, et c'est en la fuyant qu'ils s'y soumettent. Le temps manque à leur temps. Ce qu'ils font de plus en plus, il le font de moins en moins. La vie manque à leur vie.

Christian Bobin

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"La neige, c'est comme des milliers de mots d'amour
qu'on reçoit et qui vont fondre"
Christian Bobin

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L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie,
la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi - vers l'autre là-bas,
comme nous, égaré dans le noir.

Christian Bobin

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Et une sélection de textes de Bobin envoyée par mon amie Régine Foucault ( Liens dans Amis de Pierrot)

Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu'un peu.
Il nous faut naître par la chair et ensuite par l'âme.
Les deux naissances sont comme un arrachement.
La première jette le corps dans le monde,
la seconde balance l'âme jusqu'au ciel.

(La plus que vive)

 

L'intelligence c'est proposer à l'autre ce qu'on a de plus précieux,
en faisant tout pour qu'il puisse en disposer - s'il le souhaite, quand il le souhaite. L'intelligence, c'est l'amour avec la liberté.

(La plus que vive)

 *

Nous n'habitons pas des régions.
Nous n'habitons même pas la terre.
Le coeur de ceux que nous aimons est notre vraie demeure.

(La plus que vive)

* 

Le monde n'est si meurtrier que parce qu'il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes,par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi.
Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s'autorise,cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions,et la buée que cela donne, l'empêchement de vivre, d'aimer.

(La plus que vive)

 

Nous vivons dans le vide ouvert par un événement,
nous allons d'un événement à l'autre
et il faut parfois des années pour qu'un événement succède à un autre.
Entre les deux, le vide.
Enfin, pas tout à fait:..
Survient parfois la belle lumière d'un visage, d'une parole, d'un geste.

(La plus que vive)

 

*

Légèreté de l'oiseau
qui n'a pas besoin pour chanter de posséder la forêt,
pas même un seul arbre.

(L'éloignement du monde)

*

Il y a une joie élémentaire de l'univers,
que l'on assombrit chaque fois que l'on prétend être quelqu'un,
ou savoir quelque chose.

(Le huitième jour de la semaine)

*

Tu sais ce que c'est la mélancolie ?
Tu as déjà vu une éclipse ?
Eh bien c'est ça : la lune qui se glisse devant le cœur,
et le cœur qui ne donne plus sa lumière.

(La folle allure)

*

J'ai toujours craint ceux qui partent à l'assaut de leur vie
comme si rien n'était plus important que de faire des choses, vite, beaucoup.

(La folle allure)

*

Qu'avons-nous à nous dire dans la vie,
sinon bonjour, bonsoir, je t'aime et je suis là encore,
pour un peu de temps vivante sur la même terre que toi.

(La folle allure)

*

Les rires ce sont les larmes qui se consolent toutes seules.
( La folle allure)

*

Peut-être ne fait-on jamais une chose pour elle-même,
mais pour se donner le temps d'en venir à une autre
qui, seule, nous ressemblera.

(La folle allure)

 

***

Tous nos sentiments sont soupçonnables.

La joie ne vient pas du dedans, elle surgit du dehors -

une chose de rien, circulante, aérienne, volante.

On lui accorde beaucoup moins de crédit
qu'à la tristesse qui, elle, fait valoir ses antécédents, son poids, sa profondeur.

La joie n'a aucun antécédent, aucun poids, aucune profondeur.

Elle est tout en commencements, en envols, en vibrations d'alouette.

C'est la chose la plus précieuse et la plus pauvre au monde.

Il n'y a guère que les enfants pour la voir.

Christian BOBIN

 

J'ai trouvé,mon amour, le nom le plus secret et le plus clair
pour dire ce qu'est ta vie dedans ma vie:

l'air.

Tu es l'air qui ne me fait jamais défaut,
cet air si nécessaire à la pensée et au rire,
cet air qui rafraîchit mon coeur
et fait de ma solitude
une place battue par les vents

Christian Bobin
L'éloignement du monde.
Lettres vives ( 1993 )

*

Une rencontre spirituelle avec Christian Bobin ...
Clic sur l'image qui se trouve dans la page du lien FR3 ci-dessous

FRANCE 3-BOURGOGNE FRANCHE CONTÉ

Extraits de la rencontre avec Christain Bobin...Tout sonne vrai à l'entendre!!!
Le pas feutré de la méditation au plus près de l'intime!

Une phrase très belle d'un gitan dit: "La plus belle vie, c'est la vie qui a connu beaucoup de souffrance"
Parce tout ce qui ouvre le coeur fait venir de l'air...et l'air c'est l'Esprit qui nous monte à la tête... c'est Dieu même. Notre coeur est si dur parfois... il faut bien que les épreuves soient là pour le fracturer comme une pierre sur un morceau de bois sec à enflammer. Il ne faut pas rechercher les épreuves parce que çà serait du masochisme. La joie peut donner évidemment la même chose. Mais, je sais que, dans cette vie, on ne peut pas choisir et c'est pour cela que je ne fais pas de l'angélisme et que je prends ce qui vient, ce qui m'est donné ou ce que je subis parfois; je prends et j'essaye de tout accueillir!

Ma révolte concernant les églises et la foi?
Je crois que les institutions et les églises comprises sont les tombeaux de la vie. Le problème, c'est la puissance. La vie ne va jamais se montrer là où il y a de la puissance, la puissance montrée du costume, de la fonction et de la représentation. La vie est comme un animal farouche qui craint ces choses-là, comme une bête qui craindrait les chasseurs. Là où il y a de la puissance affichée, l'espace du vivant se restreint, diminue. C'est la seule pensée que j'aurais de ces manifestations très officielles de la religion, mais on ne peut tout exclure, pas même qu'un évêque croit en quelquechose!!!

Quête de la pureté?
La sainteté m'a longtemps intéressé jusqu'à ce que je trouve mieux qu'elle!!! La vie de chaque jour, ravaudée par endroits, comme un drap de coton qui a beaucoup vieilli, avec des initiales brodées de rouge...
La lumière est le mot le plus beau que je connaisse avec le mot neige...à l'entendre, à le lire, à l'écrire, je me sens en paix.
Même l'aveugle peut voir la lumière.Il suffit que quelqu'un de bon lui parle. Le fin fond de la lumière c'est la bonté...
Le paradis, c'est le réel, ce qui se passe au présent, où çà se passe, au moment où çà se passe. C'est d'être présent chaque jour de sa vie avec les rencontres qu'on peut faire...c'est le réel, la chose que la plupart du temps on cherche à fuir...la vie quotidienne non protégée, sans puissance. C'est la douceur et l'étonnement de vivre une vie dont on ne comprend pas le sens, mais qui a un sens..c'est "le jour après jour"....Figurez-vous qu'on y est!!! ...

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DIEU

( Clic,sur Dieu!!!paroles seules )

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Un texte tiré de son livre "La sérénité du vide"

Il est atypique mais merveilleux!!!

Dieu, c'est le nom de quelqu'un qui a des milliers de noms. Il s'appelle silence, aurore, personne, lilas, et des tas d'autres noms, mais ce n'est pas possible de les dire tous, une vie entière n'y suffirait pas et c'est pour aller plus vite qu'on a inventé un nom comme celui-là, Dieu, un nom pour dire tous les noms, un nom pour dire quelqu'un qui est partout, sauf dans les églises, les mairies, les écoles et tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une maison. Car Dieu est dehors, tout le temps, par n'importe quel temps, même l'hiver, et il s'endort dans la neige et la neige pour lui se fait douce, elle ne lui donne que sa blancheur avec quelques étoiles piquées dessus, elle garde pour elle la brûlure du froid. Dieu n'a pas de maison, il n'en a pas besoin et d'ailleurs lorsqu'il voit une maison, il ouvre les portes, déchire les murs, brûle les fenêtres et c'est tout qui entre avec lui, le jour, la nuit, le rouge, le noir, tout et dans n'importe quel ordre, et alors, et alors seulement, les maisons deviennent supportables, alors seulement on peut les habiter, puisqu'il y a tout dedans, le soleil, la lune, la vie très folle, la douceur très grande de la folie, les yeux pervenche de la folie. Et Dieu repart ailleurs, toujours ailleurs : à force de traîner les chemins, de s'endormir partout, dans les sources, dans les fougères, dans le nid des mésanges ou dans les yeux des tout-petits, Dieu a une drôle d'allure, vraiment. Lorsqu'il n'ouvre pas toutes grandes les portes, Dieu ne fait rien. Ce serait là son métier : ne rien faire. C'est un métier très difficile, il y a très peu de gens qui sauraient bien le faire, qui sauraient ne rien faire. Dieu, lui, fait cela très bien. De temps en temps, pour se reposer, il s'arrête de ne rien faire : alors il fait des bouquets ; il cueille toutes les lumières du monde, même celles des orages et des encriers, il en fait des bouquets mais ne sait à qui les offrir. Ou bien il met un coquillage tout contre son oreille et il écoute des musiques, toutes les musiques du monde, longtemps il écoute et c'est comme un flocon dedans son coeur, un tourment d'écume, le premier âge de la mer, l'immensité de la mer dedans son coeur et Dieu se met à rire et Dieu se met à pleurer, parce que rire ou pleurer, pour Dieu c'est pareil, parce que Dieu est un peu fou, un peu bizarre. Et si on lui demande ce qu'il a, il dit qu'il ne sait pas, qu'il ne sait rien, qu'il a tout oublié le long des chemins et qu'il a perdu la tête, perdu son ombre, qu'il ne sait plus son nom. Et puis, il rie, et puis il pleure, et il s'en va, et il s'en vient, et c'est le jour, puis c'est la nuit, et puis voilà, c'est toujours comme ça, toujours, chaque jour.

***

 

Cela me fait penser à ce passage de l'Evangile, quand Jésus dit à la samaritaine que viendra bientôt le temps où l'on adorera Dieu partout où il est
et non pas dans des temples ou sur des monts bien définis par les grands prêtres!!! Jean 4,5-42.

SUPERBE VIDEO SUR DIEU
en cliquant sur l'image ci-dessous avec realPlayer


Dieu Christian Bobin
envoyé par MONPOYON


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Marie, une amie fidèle d'ARCIEL88, nous a fait part de son bonheur à lire Christian Bobin:

" Dieu est partout dans ce qu'il a créé. Il a parfois du mal être dans ce que l'homme a construit.
Il retrouve les humains quand ils sont ouverts à leur créateur et respectueux de leur environnement divin."

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On fait quelques pas hors de l'enfance, puis très vite on s'arrête. On est comme un poisson sur le sable. On est comme celui qui piétine dans sa mort, un adulte. On attend. On attend jusqu'à ce que l'attente se délivre d'elle même, jusqu'à l'équivalence d'attendre, de dormir ou mourir. L'amour commence là - dans les fonds du désert. Il est invisible dans ses débuts, indiscernable dans son visage. D'abord on ne voit rien. On voit qu'il avance, c'est tout. Il avance vers lui-même, vers son propre couronnement.

Ainsi vous ai-je vu avancer dans la poussière d'été, toute légère dans votre robe toute blanche.

Celle qu'on aime, on la voit s'avancer toute nue. Elle est dans une robe claire, semblable à celles qui fleurissaient autrefois le dimanche sous le porche des églises, sur le parquet des bals. Et pourtant elle est nue - comme une étoile au point du jour. A vous voir, une clairière s'ouvrait dans mes yeux. A voir cette robe blanche, toute blanche comme du ciel bleu.

Avec le regard simple, revient la force pure.

Je vous reconnaissais. Vous étiez celle qui dort tout au fond du printemps, sous les feuillages jamais éteints du rêve. Je vous devinais depuis longtemps déjà, dans la fraîcheur d'une promenade, dans le bon air des grands livres ou dans la faiblesse d'un silence. Vous étiez l'espérance de grandes choses. Vous étiez la beauté de chaque jour. Vous étiez la vie même, du froissé de vos robes au tremblé de vos rires.

Vous m'enleviez la sagesse qui est pire que la mort. Vous me donniez la fièvre qui est la vraie santé.

Et puis vous êtes partie. Ce n'était pas trahir. C'était suivre le même chemin en vous, simple dans ses détours. Vous emportiez avec vous la petite robe de neige. Elle ne dansait plus dans ma vie. Elle ne tournait plus dans mes rêves. Elle flottait sous mes paupières lorsque je les fermais pour m'endormir, juste là : entre l'œil et le monde. Le vent des heures l'agitait fiévreusement. L'orage des chagrins la rabattait sur le coeur, comme un volet sur une vitre fêlée.

Qui n'a pas connu l'absence ne sait rien de l'amour. Qui a connu l'absence a pris connaissance de son néant - de cette connaissance lointaine qui fait trembler les bêtes à l'approche de leur mort."

Christian Bobin - Une petite robe de fête.

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FAIRE ENTRER L'ETERNEL !!!


Faire entrer l'éternité
envoyé par supervielle

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Trouver le divin dans le presque rien

Extraits de l’interview de Christian BOBIN dans la revue « Nouvelles Clés »

 

- Vous écrivez souvent en des termes contradictoi-res que vous faites cohabiter. Par exemple, vous trouvez «  un surcroît de vie dans le manque  » !

 

- Christian BOBIN : Tout est une question d’air et de respiration. C’est l’encombrement qui nous rend malhabiles, et qui nous fait parfois suffoquer. On a besoin de connaître des choses telles que l’ennui, le manque, l’absence, pour connaître la présence, la joie et l’attention pure. On a besoin d’une chose pour aller vers une autre. Par exemple, j’aime beaucoup les livres, mais j’ai remarqué que je trouvais les plus intéressants dans les toutes petites librairies perdues, qui n’en vendent que très peu : C’est comme si c’était là que certains livres m’attendaient depuis très longtemps. Alors que je ne les aurais pas vus dans un grand étalage, parmi mille autre chose. Cette pensée va dans le sens exactement inverse de ce qui a créé Internet. A la racine d’Internet, il y a le désir qu’on ait tout, tout de suite. Que surtout nul ne souffre plus d’un manque. Or je pense que c’est une souffrance que d’avoir tout à sa disposition, sans intervalles. On devient soi-même comme une chose au milieu des choses.

 

- Autre cohabitation des contraires, vous dites qu’il faut «  écrire, pour réparer l’irréparable  » …

 

- Christian BOBIN : Oui, d’abord accepter l’irrépa-rable. Le regarder, le contempler en tant que tel. Ne pas chercher de consolations illusoires. Ne pas se précipiter pour venir en aide. Mais d’abord regarder, et si l’on est devant un mur, le voir. S’il est aussi haut que le ciel, le reconnaître. C’est quelque chose qui amène un profond changement intérieur. Cette « acceptation » n’est pas une résignation, mais une vue. C’est la vue qui guérit, la vision vraie. Pas l’illusion, même si parfois la vérité est que nous n’avons pas de solutions. Mais le reconnaître, le formuler, change tout. Comme si savoir que la porte est fermée, et l’accepter, vous la faisait traverser ! Or la racine de la vue, c’est la contemplation. Et la racine de la contemplation, c’est l’attention.

L’écriture a évidemment à voir avec ça. Ce qui est beau, c’est que les livres sont bâtis à hauteur des mains. Un livre, c’est comme une porte qui ne serait pas plus grande qu’une main. Et de l’autre côté de cette porte, il y a les anges ! Il y a quelque chose dans une page qui est en train de me déchiffrer. Je crois la lire, et c’est elle qui me lit. Les vrais livres sont toujours guérisseurs. Ce qui nous rend malade, ce sont souvent les mots. Soit que ces mots nous aient manqué, soit qu’ils aient été d’une dureté insupportable. Mais ce que des mots ont fait, d’autres peuvent le défaire. C’est le langage qui souffre en nous, et qui nous fait souffrir. Et la matière des livres est un langage qui est, ou devrait toujours être, réparateur.

 

- Vous dites qu’il faut trouver la voie étroite entre les certitudes des Églises, qui enferment « l’autre monde » dans leurs dogmes, et le scepticisme de ceux qui le nient, traitant d’imbéciles ceux qui y croient.

 

- Christian BOBIN : Le chemin passe entre les deux buissons épineux de la niaiserie et du dogme. Mais avec un peu de malice, c’est possible. C’est une belle chose d’être malicieux. Au fond, je pense que rien de vrai, de profond, ne se fait sans une sorte de gaieté intérieure.

 

- Gaieté et joie, c’est pareil ?

 

- Christian BOBIN : Gaieté me plait d’avantage, par son côté profane. Le mot joie aussi. Je l’utilise souvent. Il s’invite beaucoup dans mes livres. Mais je pense que le mot gaieté a un charme plus grand.

 

- Vous écrivez : « Les choses s’avancent vers moi. Toutes choses. Par leur silence, elles entrent en moi. D’abord par leur silence. Puis leurs lumières s’élaborent en moi, discrètes, infimes, miraculées. Enfin l’embrasement, l’éclair, le brûlant, le radieux ». En somme, vous êtes immobiles et les choses viennent à vous ?

 

- Christian BOBIN : Comme elles peuvent venir à chacun. Dans ce sens là, il n’y a jamais de mauvaise journée. Je peux traverser des épreuves, comme tout le monde, mais même dans une telle journée, je sais que quelque chose fleurira. Tôt ou tard. Les mauvais jours, il faut les aimer encore plus que les autres, parce qu’ils sont très discrédités. Un peu comme la pluie contre laquelle on peste.

 

- C’est toute votre vie, ce balancement ?

 

- Christian BOBIN : Notre âme est une petite fille sur une balançoire. De temps en temps, ses pieds touchent le ciel, et de temps en temps, ses pieds frôlent le sol. Quelle est la main qui nous pousse, pour nous donner notre élan, et pour le raffermir ? Ce serait peut-être la main bénie des épreuves, qui nous envoie tout d’un coup au ciel, et qui nous empêche aussi parfois de tomber.

 

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