Aimé CESAIRE

 

 

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Poète et homme politique martiniquais [+]
Né à Basse-Pointe le 26 juin 1913
Décédé à Fort-de-France le 17 avril 2008

Césaire ne se ralliait pas au sentiment indigne et méprisant dont les minorités firent hélas un temps les frais dans nos îles. Sa doctrine, qui ne rejette la personne de quiconque, prétend nous élever au-dessus de l'indignité enfouie en l'un et l'autre.

La Négritude en sa grandeur relevait certes le plus meurtri des opprimés en vue d'en faire un puissant fer de lance du respect de l'homme. Mais ce n'est pas à un mesquin ethno-centrisme de blablature que Césaire donna naissance. Née d'un for humble et compassionné, la Négritude ne saurait cautionner le mépris hautain d'une ethnie par une autre : elle englobe toute la souffrance de l'humanité, y compris celle de l'homme-hindou-de-Calcutta... de l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture... sachant que
Chaque peuple quelque petit qu'il soit

Tient une partie du front
Donc en définitive est comptable
D'une part même infime
De l'espérance humaine.

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«Calendrier lagunaire», du recueil Moi, laminaire, 1982.

"J'habite une blessure sacrée
j'habite des ancêtres imaginaires
j'habite un vouloir obscur
j'habite un long silence
j'habite une soif irrémédiable
j'habite un voyage de mille ans
j'habite une guerre de trois cent ans
j'habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu j'habite l'espace inexploité
j'habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la calleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m'accommode de mon mieux de cet avatar
d'une version du paradis absurdement ratée
-c'est bien pire qu'un enfer-
j'habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d'appartement
et toute paix m'effraie

tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières
de mondes égarés
ayant crachés volcan mes entrailles d'eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secrets

j'habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner
dans la plus petite de mes idées


ou bien j'habite une formule magique
les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié
j'habite l'embâcle
j'habite la débâcle
j'habite le pan d'un grand désastre
j'habite souvent le pis le plus sec
du piton le plus efflanqué-la louve de ces nuages-
j'habite l'auréole des cétacées
j'habite un troupeau de chèvres tirant sur la tétine
de l'arganier le plus désolé
à vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte
bathyale ou abyssale
j'habite le trou des poulpes
je me bats avec un poulpe pour un trou de poulpe

frères n'insistez pas
vrac de varech
m'accrochant en cuscute
ou me déployant en porona
c'est tout un
et que le flot roule
et que ventouse le soleil
et que flagelle le vent
ronde bosse de mon néant

la pression atmosphérique ou plutôt l'historique
agrandit démesurément mes maux
même si elle rend somptueux certains de mes mots."

Aimé Césaire

 

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