LES LAÏCS DANS L'EGLISE
(Courriers  reçus)


Je vais vous inviter à jeter un triple regard sur l'Église :
1) sur son présent d'abord, pour diagnostiquer, au principe de sa crise actuelle, un manque de communication avec le monde laïcisé issu de la modernité,manque imputable à la privation  de parole responsable dont souffre son laïcat;
2) puis sur ses origines, pour découvrir une possibilité de sortir de cette crise. Cette possibilité réside dans le caractère sacerdotal du peuple chrétien, qui permet d'associer le laïcat au ministère consacré de la tradition apostolique;
3) enfin sur l'avenir de la mission évangélique, que l'Église serait impuissante à remplirsans appeler le laïcat à en assumer la responsabilité, sous la conduite de sa hiérarchieet sous des formes à inventer de concert dès maintenant.


1. Diagnostic du présent


Il y a plusieurs dizaines d'années que les sociologues analysent en termes de déclin, d'éclipse, de dépérissement, de retrait, de disparition, et autres termes non moins alarmants, la situation de la religion en général (il s'agit le plus souvent du christianisme) et celle de l'Église en particulier (ce sera souvent la seule confession catholique ou son magistère que je désignerai sous ce nom). L'Église n'admet pas volontiers ce diagnostic. Il n'y a pas longtemps que l'Osservatore Romano, rappelant qu'elle est universelle, vantait à coups de statistiques triomphalistes l'exceptionnelle bonne santé de l'Église. Il fallait bien concéder toutefois qu'il n'en allait pas de même en Europe, mais les explications ne manquaient pas, qui situaient les causes dû péril au dehors de l'Église : le matérialisme, le goût du plaisir et du profit, la sécularisation de la société, le laïcisme des pouvoirs publics. La reconquête du terrain perdu était déjà en cours, assurait-on : c'était la nouvelle évangélisation. On devait malheureusement avouer qu'on allait manquer d'ouvriers apostoliques : soit par défaut d'esprit de sacrifice, ouparce que les responsables n'osaient pas solliciter la générosité des jeunes, on ne réussissait pas à enrayer la baisse du recrutement du clergé. Ainsi avait-on cerné le mal mortel dont souffrait l'Église des pays occidentaux : le manque de prêtres ; il n'y avait pas de remède à chercher sur d'autres terrains.
Cette analyse institutionnelle ne va pas à la racine du mal, au fait que l'Église se vide de ses fidèles de façon continue depuis plusieurs siècles, et plus particulièrement de ses jeunes fidèles depuis un demi-siède : la transmission des croyances, des pratiques et des liens d'appartenance ne se fait plus. Que le manque de prêtres obère gravement le fonctionnement de l'institution ecclésiale, c'est un fait indiscutable et douloureux. Mais la fuite massive des fidèles est un phénomène autrement plus inquiétant, puisqu'elle menace l'Église d'extinction, et comment ne pas en chercher la cause au-dedans de l'institution qui n'a pas su retenir chez elle ceux qui l'ont quittée?
Un historien reconnu démontrait récemment, analyses textuelles à l'appui, que la pensée des Lumières était l'héritage sécularisé de la spiritualité chrétienne du XVIIe siècle. Ce qu'on appelle la Modernité – la naissance du sujet qui s'affranchit de l'autorité et de la tradition, l'apparition d'une rationalité basée sur le doute méthodique et l'observation scientifique, l'analyse critique des textes bibliques, la revendication de la liberté de penser, de philosopher et de croire, l'aspiration aux droits individuels et politiques – tout ce vaste mouvement d'émancipation, qui commence avant même le XVIIe siècle, a pris naissance au sein d'une société majoritairement chrétienne, au sein même d'institutions ecclésiastiques, et n'était pas dirigé contre la foi ni l'Église. Mais les autorités de l'Église n'ont pas compris la légitimité de ces aspirations, elles se sont senties mises en cause et s'y sont opposées, et les chrétiens sont allés chercher au-dehors les libertés qui leur étaient refusées au-dedans.
L'hostilité entre l'Église et la modernité s'est aggravée à mesure que la raison, rejetée et laissée à elle-même, s'émancipait des croyances et virait au rationalisme, et que la hiérarchie ecclésiale s'alarmait des aspirations démocratiques même tournées contre les autorités politiques.
Ainsi s'est consommée la rupture avec le monde moderne.
On sait que Vatican II a voulu renouer les relations avec ce monde et a reconnu la légitimité de beaucoup d'idées "modernes" que la Papauté du XIXe siècle n'avait cessé de condamner, en particulier les droits de l'homme et la liberté de conscience et de religion. Quarante ans après, on ne peut pas dire que la situation se soit améliorée, ni sur le plan des relations entre monde et Église, ni sur celui des relations entre laïcat et hiérarchie catholique; qu'il s'agisse des unes ou des autres, le diagnostic est le même : la communication ne passe pas. Enplus de trois siècles d'affrontement à la modernité, l'Église n'a toujours pas appris à dialoguer, elle ne sait qu'enseigner au titre de son autorité divine des vérités censées immuables. S'il ne s'agissait que des vérités de foi tirées de sa révélation et concernant le salut éternel, on ne lui en ferait pas le reproche. Mais elle prétend régenter aussi le vaste domaine des vérités d'ordre éthique accessibles à la raison naturelle, qui s'étend à la vie de l'homme en société et à ses liens à l'univers. Or, pour l'homme de la modernité, tout ce qui relève de la raison commune, de la condition humaine universelle, du bien commun, tout cela relève du débat public, du dialogue philosophique, tout cela est soumis à des procédures démocratiques de discussion, rien ne peut être tranché par simple rappel à l'ordre de traditions immuables, de principes métaphysiques absolus, ni d'une autorité divine. L'Église est statutairement incapable d'entrer dans ce débat, et donc de ramener à elle ses anciens fidèles égarés dans ce monde sécularisé. Elle est non moins incapable d'empêcher de la quitter des fidèles qui vivent, sentent et pensent en connivence avec la rationalité et la socialité de leur temps.
Voici donc l'Église menacée de ne plus pouvoir remplir la mission qui est sa seule raison d'être : annoncer l'Évangile au monde. Cette mission est surtout assurément d'annoncer Jésus Christ, mais c'est aussi et au préalable de répandre sa pensée, l'esprit évangélique, qui conditionne l'accès à sa personne par la foi, et qui est nécessaire à la vie du monde, car ses paroles sont esprit et vie. Or, si elles ne peuvent pas être répandues par voie d'autorité mais seulement de débat, la mission évangélique dans une société laïque devrait largement incomber au laïcat chrétien. Or, il n'est de parole autorisée dans l'Église que celle qui émane de ses chefs et ministres consacrés. Les laïcs ne peuvent que témoigner à titre individuel, non porter au monde une parole d'Église; même leur témoignage souffre d'un défaut de crédibilité : comment persuader au-dehors que l'Évangile est école de vraie liberté, alors que leur qualité de personnes majeures et responsables n'est pas reconnue au-dedans? Privée de la parole missionnaire de ses fidèles laïcs, l'Église ne peut plus guère espérer que survivre dans nos régions en tant que minorité religieuse. Cet espoir lui sera-t-il longtemps permis? Non, hélas!, puisque le ministère de la vie spirituelle et sacramentelle appartient exclusivement au clergé. Voici maintenant les fidèles menacés de ne plus pouvoir mener leur vie de chrétiens à cause de leur impuissance à susciter des vocations sacerdotales. Et voici l'Église menacée effectivement d'extinction, de son propre aveu et consentement. Face une telle éventualité, le chrétien est amené à se demander : est-il possible que Jésus ait lié la dispensation de sa parole et de sa vie au ministère des prêtres, et mis ses simples fidèles sous leur dépendance, au point de condamner la mission évangélique à s'arrêter et l'Église à disparaître, faute de prêtres? La question est si grave et si urgente que le théologien ne peutse dispenser d'interroger directement l'Évangile, à ses risques et périls, par-delà même latra dition historique dont se réclame le Magistère.


2. Les ressources de l'origine


La remontée aux origines de l'Église, aux temps apostoliques, nous fournira les moyens de faire face aux difficultés d'aujourd'hui; on n'y trouvera pas des solutions toutes faites, mais la possibilité de poser les problèmes autrement et de chercher des réponses nouvelles à dessituations nouvelles.
Tout d'abord, on ne voit jamais Jésus soucieux d'instituer un sacerdoce nouveau qui remplacerait celui du Temple. Plus radicalement, il annonce la venue imminente du Royaume de Dieu, il ne se préoccupe pas de poser les fondations solides d'une institution religieuse destinée à croître et à durer dans le temps. Dans les communautés apostoliques, on ne voit pas de ministères sacramentels réservés à des clercs consacrés; Paul donne la première description d'une assemblée eucharistique sans faire référence à des prêtres consécrateurs. Il est rapporté dans les Actes que les apôtres établissaient des dirigeants dans les Églises qu'ils fondaient ou visitaient, mais on ne les voit pas agir eux-mêmes en chefs de communauté; une imposition de la main aux presbytes apparaît tardivement, elle est d'origine rabbinique et de portée imprécise; mais il est admis que le vocabulaire sacerdotal usité par le Nouveau Testament se rapporte exclusivement au culte judaïque, et le seul écrit qui parle du sacerdoce du Christ, l'Épître aux Hébreux, n'envisage nulle part sa transmission dans l'Église.
Il y a pourtant une exception notable à cette réserve linguistique : plusieurs écrits du Nouveau Testament parlent de l'ensemble des fidèles en termes de "peuple sacerdotal" ou de "royaume de prêtres", reprenant d'ailleurs l'expression à des textes de l'Ancien Testament qui décrivent l'accomplissement des promesses divines dans les temps messianiques en suite de l'effusion de l'Esprit Saint. Si rares que soient ces mentions, leur signification
est claire : seul le prêtre avait le droit, en vertu de sa consécration, de s'approcher de Dieu dans le Temple et de lui offrir sa prière et celle du peuple; les chrétiens, semblablement et à un titre supérieur, ayant reçu l'onction de l'Esprit du Christ, n'ont pas besoin de recourirà des intermédiaires, mais jouissent d'un accès direct auprès de Dieu. On voit à quel point ces mentions isolées du sacerdoce des fidèles consonnent avec de nombreux textes des apôtres, de Paul en particulier, qui parlent des chrétiens en termes de Temples du Saint Esprit, pierres vivantes de la demeure de Dieu, qui offrent à Dieu des actions de grâce et s'offrenteux-mêmes à lui en sacrifices qui lui plaisent.
On se trouve donc là sur un terrain solide, un terrain de fondation, qui atteste la conscience des premiers chrétiens d'avoir reçu du Christ la pleine capacité de subvenir par eux-mêmes aux besoins de leur vie spirituelle. On en trouve une abondante preuve et illustration dans les descriptions de la vie des communautés fournies par les écrits des apôtres, de Paul en particulier : partout surgissent des ministères, surtout de la parole, attribués aux «charismes » de l'Esprit Saint et reconnus par les communautés; le besoin se fait sentir ici et là d'y mettre de l'ordre, mais Paul s'adresse pour cela au « discernement » des fidèles, sans faire appel à une autorité instituée, notamment à propos des réunions eucharistiques desCorinthiens. L'effusion universelle de l'Esprit est source de ministères qui jaillissent de la
elle-même, mis à sa disposition et contrôlés par elle pour subvenir à ses divers besoins sacramentels (baptême, eucharistie, réconciliation, onction des malades) et spirituels (catéchèse, explication des Écritures, exhortation, jugement, envoi en mission). Cette « ressource» originelle est en principe inaliénable et inépuisable. Elle est l'accomplissement de la promesse de Jésus à ses disciples, avant son départ, de leur envoyer « un autre Paraclet » qui leur fournirait toute l'assistance dont il s'acquittait lui-même auprès d'eux jusque-là.
On se gardera bien d'oublier pour autant l'autorité conférée par Jésus personnellement à ses apôtres pour l'annoncer au monde, rassembler, enseigner, diriger ceux qui croiraient en lui jusqu'au moment de sa venue en gloire. Au tout début de l'Église, le terme d'« apôtre » revêt une acception assez large, il s'étend à tous ceux qui avaient suivi Jésus de plus près dans des groupes de disciples, qui avaient bénéficié de ses apparitions après sa résurrection et lui rendaient publiquement témoignage de lieu en lieu, et aussi à ceux que les communautés envoyaient porter la parole en d'autres lieux. Assez vite cependant, une autorité particulière fut reconnue aux « Douze » apôtres choisis spécialement par Jésus, et étendue aux chefs des Églises établis par eux pour leur succéder.
Vers la fin du IIe siècle, la coutume s'établit de confier le gouvernement des Églises, jusque-là assumé par un collège de « presbytres » ou « anciens », à un seul évêque, et c'est alors qu'apparaît pour la première fois une ordination sacerdotale, qui habilite l'évêque, et lui seul, à accomplir les principaux actes sacramentels, tandis que les presbytres, eux aussi ordonnés, l'assistent dans le gouvernement du peuple, le suppléent occasionnellement pour le service du culte, mais ne deviendront prêtres à titre plénier et personnel que deux siècles plus tard environ, quand ils seront mis à leur tour à la tête d'Églises paroissiales. La distinction clercslaïcs est donc instituée par des rites d'ordination au début du IIIe siècle, ce qui met fin aux ministères des laïcs et leur retire le droit à prendre la parole dans l'Église.
On n'aura pas de difficulté à reconnaître à ces ministres consacrés une autorité sacerdotale propre et particulière, sans que cela oblige à ressourcer leur sacerdoce à un acte institutionnel particulier. Comment le pourrait-on, alors que Jésus ne parle jamais de sacerdoce et que le premier rituel d'ordination, celui d'Hippolyte, remonte à l'origine du culte juif pour expliquer que le nouveau temple de Dieu, l'Église, avait besoin d'un ministère nouveau afin que le culte dû à Dieu ne tombât pas en déshérence? Il est logique de rattacher le ministère consacré au seul lieu du Nouveau Testament qui s'approprie le vocabulaire sacerdotal, et c'est en parlant du peuple des fidèles du Christ; cela n'empêchera pas de penser que les ministres consacrés exercent le sacerdoce à titre personnel et d'une façon spécifique, en vertu de l'autorité confiée par le Christ, ainsi que le rappelle Vatican II, et de reconnaître ainsi la légitimité de la tradition sacerdotale de l'Église. Mais cette tradition perdrait toute légitimité, si elle en venait, dans la situation de détresse qui est la nôtre, à empêcher les fidèles de s'alimenter aux sources de la vie spirituelle et sacramentelle, sous prétexte que le sacerdoce commun du peuple chrétien, vide de tout « pouvoir », se réduirait au besoin de recourir au ministère des prêtres, ce qui serait une contradiction dans les termes. Oserait-on dire que le Saint Esprit, source de toute sanctification, se tient inactif dans l'Église, livré à la seule disposition des prêtres? Jésus n'emploie le mot « pouvoir » que pour le réduire à l'humilité du service, c'est-à-dire l'empêcher de s'ériger en monopole et en contrainte. Quand donc on s'aperçoit que la poursuite du monopole clérical, qui n'est pas en tant que tel d'institution divine, conduirait l'Église à la ruine, il est urgent de se retourner vers l'origine évangélique, qui fut l'effacement de l'ancien dans du nouveau, pour y redécouvrir et réactiver la puissance de renouveau dont l'Église a besoin.


3. Un futur à réinventer


L'Église du Christ est née de l'arrachement d'un petit reste d'Israël à son passé par la mort de son fondateur et de sa projection dans le monde païen par l'effusion de l'Esprit pour y inventer une existence toute nouvelle et itinérante : « Allez par le monde entier... » Aujourd'hui, rejetée par le monde qu'elle avait baptisé, la voici contrainte de tirer de son envoi au monde une nouvelle manière d'être-au-monde pour y remplir sa mission.
Partons de ce principe : il ne s'agit pas que l'Église change de structures pour mieux s'adapter à un monde nouveau, il s'agit qu'elle prenne les moyens d'accomplir sa mission, qui est, je le répète, sa seule raison d'être. Elle peut survivre telle quelle un certain temps, peut- être encore longtemps, sous la forme d'une minorité religieuse; mais sa mission est de setenir en lien de communication avec le monde, ce qu'elle est incapable de faire présentement,
faute de parler le même langage que lui; elle s'emploie, au contraire, à en retirer les fidèles et â les regrouper dans des enceintes sacrées autour des prêtres, tant qu'il en restera.
L'avenir de l'Église, bien au contraire, c'est de laisser ses fidèles aller au monde, y implanter des communautés de disciples ouvertes à la vie des autres, y témoigner de la liberté qu'ils tiennent du Christ et de la vitalité de l'Évangile, en assumant pleinement la responsabilité de leur existence chrétienne engagée dans la vie du monde.
Comment se fera le changement institutionnel de l'Église? Je ne chercherai pas à l'imaginer; peut-être se fera-t-il par le haut, par des mesures d'autorité, ou au prix de bouleversements tumultueux, peut-être continuera-t-il à se faire silencieusement par en bas, ainsi qu'on voit tant de chrétiens quitter les lieux officiels de chrétienté et se regrouper ailleurs pour vivre en chrétiens autrement. Sans prétendre tracer un organigramme du changement, il est
possible d'évoquer les traits constitutifs d'une communauté de disciples selon l'Évangile : méditer ensemble la Parole de Dieu, l'interroger pour en recevoir les réponses aux questions du monde, s'ouvrir à toutes les personnes en quête de sens à la façon dont Jésus fréquentait les pécheurs, se mettre en peine de soulager les souffrances de la société à la manière dont Jésus allait au-devant des malades, accueillir la présence du Seigneur qui a promis de venir au milieu des siens, « annoncer la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'Il vienne » et se nourrir du Pain de vie, célébrer les mystères de l'identité chrétienne, recevoir et initier de nouveaux disciples, se donner les ministres et présidents dont les chrétiens ont besoin pour se constituer en corps du Christ dans la fidélité à la tradition chrétienne.
Car le changement de style de vie commune ne se fera pas en rupture avec la tradition de l'Église, par la médiation de laquelle, seule, les chrétiens sont en droit de se dire et en pouvoir de se tenir dans la « suite » du Christ. Il ne saurait être question de supprimer le ministère consacré, pas plus que d'instituer dans les communautés un nouveau clergé rival du clergé officiel. Les membres de ces communautés célébreront les mystères de leur appartenance au Christ en vertu du sacerdoce commun du peuple chrétien, quelles que soient les attributions de leurs ministres ou présidents et les procédures de leur mise en place. Mais le ministère consacré de la tradition apostolique gardera toujours sa nécessité et sa spécificité, qui tiennent à l'historicité et la spatialité de l'Église; sa fonction est, d'une part, de jalonner la route par laquelle toute grâce et vérité découle de la personne et de l'événement de Jésus sous la garantie de ses envoyés et, d'autre part, de tenir en lumière et en activité les signifiants et les articulations de l'unité et de l'universalité du corps du Christ. C'est pourquoi les communautés auront à coeur de vivre en communion avec leurs évêques, et ceux-ci de respecter et d'encourager, plutôt que d'entraver, la libre créativité des chrétiens.
Plus les fidèles laïcs se prendront eux-mêmes en charge, plus le ministère consacré retrouvera son caractère originel, apostolique et épiscopal, c'est-à-dire itinérant et global : visiter les communautés, leur rendre les services qu'elles réclameront, connecter leurs activités évangéliques, sociales ou caritatives, les rassembler dans des célébrations d'unité, subvenir aux besoins religieux des chrétiens dispersés ou des masses déchristianisées, promouvoir l'évangélisation sur un plan régional ou national. Ainsi, grâce, d'un côté, à la responsabilisation des laïcs dans des communautés devenues autonomes et, d'un autre côté, à l'allègement des charges du ministère consacré et à l'élargissement de ses perspectives, l'Église sera capable d'assumer plus efficacement sa mission évangélique.
La prise de responsabilité des laïcs ne doit pas être vue comme une prise du pouvoir, arraché aux mains de ses détenteurs actuels. Mais elle ne se fera pas non plus sans une associationdes premiers au pouvoir exercé par les se conds. La hiérarchie a peur que ne s'introduise un peu de démocratie dans l'Église, ce qui semble représenter pour elle le mal suprême; aussi prétend-elle ne pas disposer à son gré du pouvoir que le Christ lui a confié et qui appartient à lui seul. Mais où voit-on dans le Nouveau Testament que l'Église aurait été fondée sous le régime de la monarchie? La seule loi donnée par Jésus à ses apôtres est l'interdiction de commander
à la façon des puissants de ce monde, c'est-à-dire par mode de domination. Le pouvoir ne doit pas s'exercer sans partage, afin que l'obéissance soit rendue à Dieu
même et ne s'arrête pas à la personne des chefs, afin également que l'autorité n'empêche pas la libre créativité inspirée par l'Esprit Saint aux membres du corps du Christ pour la
croissance de ce corps. Le pouvoir ecclésiastique est donc limité par l'obligation de respecter ce que Paul appelle « la concitoyenneté des saints » : il est permis d'entendre par là les
droits des fidèles laïcs à participer à la gestion de leur être-au-Christ, de leur vivre-ensemble en Église, de leur vivre-en-chrétiens dans le monde, et aussi à la gestion du bien communde la société séculière, qui ne relève pas de l'autorité de l'Église. Tous ces droits méritent d'être considérés comme inhérents à l'égale appartenance de tous les chrétiens au Christ.
L'apparition du sujet moderne, avons-nous dit, est liée à la revendication de la liberté de conscience, du droit de chaque individu à suivre le jugement de sa conscience et à agir en personne responsable de ses choix et de ses actes. L'Église a été désertée par tant de fidèles et a perdu sa crédibilité au regard du monde moderne, parce qu'elle n'a pas su concilier le respect de cette liberté avec l'autorité divine dont elle se prévalait, et parce qu'elle refusait à ses membres les droits que les États, eux aussi plus ou moins théocratiques, durent concéder à leurs citoyens – avant tout le droit de participer à l'expression d'une volonté commune.
L'Église ne rentrera pas en communication avec ce monde tant qu'elle n'aura pas donné figure en elle-même à la liberté dont l'Évangile est la source. La reprise effective de sa mission est au prix de cette conversion.
Joseph Moingt
Source : http://www.culture-et-foi.com

****

: « La religion, la spiritualité et la conviction jouent un rôle central dans la vie de millions de femmes et d'hommes.... Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est inaliénable et tout individu doit pouvoir l'exercer....Il convient toutefois de reconnaître que toute forme d'extrémisme peut exercer un effet négatif sur les femmes et conduire à la violence et à la discrimination ….Les gouvernements devraient :... condamner la violence à l'égard des femmes et s'abstenir d'invoquer des considérations de coutume, de tradition ou de religion, pour se soumettre à l'obligation de l'éliminer conformément à la Déclaration sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes...( Plate-forme de la Conférence de Pékin, art.124 )

*****

« LES MERVEILLES VECUES DANS NOS VIES »

QUAND l’ESPRIT OSE L’ESPERANCE

En réponse à l’enquête du diocèse de Luçon :
« Depuis le Synode qu’est-ce qui a été pour vous un émerveillement dans votre vie ? »
par Jean-François Morineau adhérant à SEL85 (Solidarité Eglise Liberté Vendée)

A la réflexion, c’est pour moi un « émerveillement » de prendre conscience de l’action de l’Esprit qui « ose l’espérance »- telle que je l’interprète aux yeux de ma foi- dans une Église que l’on pourrait croire dépressive parce que peu à peu délaissée, braquée dans l’autodéfense et la fausse sécurité des traditions.

Ce qui m’émerveille c’est le renouveau depuis le 20° siècle de la réflexion théologique stimulée par les acquis des sciences de la terre et de l’homme qui peuvent sembler en opposition avec les énoncés de la doctrine chrétienne.
Or, s’il y a une vérité, elle ne peut être qu’une.
Quand la science établit une vérité, la foi ne peut être qu’en accord avec elle et doit se mettre en question si sa formulation en diffère. C’est à cette exigence de révision rationnelle qu’ont invité les Papes. Jean-Paul II dans son Encyclique « Fides et Ratio » et même Benoît XVI dans ses discours de Ratisbonne et des Bernardins à Paris.
« Il faut disent-ils : rationaliser la foi »

Et voilà que l’Esprit a inspiré bon nombre de théologiens, mais aussi d’évêques, pour exprimer la nécessité d’une refondation des énoncés de la foi chrétienne, afin qu’elle devienne crédible et recevable aux hommes de ce temps.
Il en est ainsi des premiers chapitres du livre de la Genèse qui à travers une fable poétique essaient de nous dire le sens de l’origine du monde et de l’homme, mais ne peuvent rien nous dire sur le « comment ? »
De même le récit mythique d’un paradis terrestre qui n’a pas pu exister et de l’origine individuelle d’un premier homme et d’une première femme, quand l’anthropologie scientifique tend à démontrer l’émergence polygénique de l’humanité, dans un processus d’humanisation progressive.
Et la « faute » de ces inconnus qui se serait transmise, comme génétiquement, à toute l’humanité, si l’on peut faire crédit à la théologie augustinienne qui a inventé le « péché originel » pour justifier la rédemption, alors qu’il n’y a aucun péché, mais seulement la condition humaine imparfaite.

Et que dire dans l’église, de la prééminence de l’homme sur la femme, théologiquement sans fondement, mais seulement séquelle de la condition féminine qui sévissait alors dans la civilisation judéo-arabe ?
Et cette subordination de la femme continue, dans l’église catholique, à lui interdire l’exercice des ministères…

Et pourtant, toutes ces fausses interprétations et tous ces errements perdurent dans la dogmatique chrétienne, dans l’enseignement officiel de l’église et dans sa catéchèse, au risque de les discréditer.

Alors, osons l’espérance des merveilles de l’Esprit !
Qu’il renouvelle la face de l’Église !

***

 

”SOLIDARITE – ÉGLISE – LIBERTE 85”

Rencontre du 10 avril 2010

"COMMUNAUTES ET COMMUNAUTARISMES"


Lors de notre dernière rencontre de SEL-85, en novembre 2009, nous avons reconnu que l'on ne pouvait vivre sa foi de chrétien que dans la relation aux autres. On ne peut pas être chrétien tout seul.
La relation aux autres, nous la vivons dans notre vie de tous les jours, mais souvent, elle reste superficielle.
La relation aux autres dans le partage de notre foi ne nous paraît pas satisfaisante et féconde dans le cadre de la vie de l'Eglise, et notamment de sa pratique cultuelle : les célébrations eucharistiques nous semblent souvent plaquées sur des rites, sans lien direct avec la vie, sans partage de vie.
Aussi, nous nous sommes demandé si nous ne pourrions pas nous interroger sur l'intérêt et les chances d'une vie de groupe, en communauté, mais aussi sur ses difficultés, ses risques et ses déviances.

Dans un premier temps, chacun était invité à apporter un témoignage sur d'éventuelles expériences de vie en communauté, quel qu'en soit le type : motivations, modalités de la coexistence, bienfaits retirés, mais aussi difficultés rencontrées, déceptions ressenties, échecs, raisons d'un retrait, nostalgies ressenties…

? "Dans notre petite congrégation, nous vivons notre vocation religieuse dans la règle de notre ordre : adoration de Dieu en Jésus-Christ et au service des autres, notamment dans l'association A.R.S. (Alphabétisation, Remise à niveau, Soutien scolaire) ouverte aux migrants".
? "Les expériences de vie communautaire qui m'ont laissé le souvenir d'un "vivre ensemble" constructif et épanouissant ont été pour moi : - la vie en équipage sur un voilier, - la vie en équipes professionnelles, - dans la vie associative, autour d'un objectif partagé : "faire l'Eglise autrement, hors les murs".
J'en retiens un certain nombre de valeurs qui font communauté : - la confrontation aux autres différents, - la participation à un but commun, - l'adaptation aux circonstances, agréables ou difficiles, - l'acceptation par chacun de la place qui lui convient, dans une unité de lieu et de temps, dans l'échange "donner-recevoir", - l'avancée ensemble vers des objectifs communs".
? "Sans expérience directe de vie en communauté, j'ai fréquenté et observé la communauté charismatique à laquelle appartenait ma sœur avec son mari et leur six enfants, constituée de religieux, religieuses, laïcs célibataires et familles. Ils partageaient la même habitation avec locaux privatifs et locaux partagés. Ils pratiquaient un partage financier avec une coopérative d'achats et partageaient aussi des temps de réflexion et d'échanges, de repas, de célébrations dans une ambiance harmonieuse et paisible, apparemment séduisante.
Au bout de 20 ans, des dysfonctionnements, voire des dérives sectaires sont apparus : structure hiérarchiques figée, manque d'écoute et de démocratie… la communauté a éclaté".
? "Certaines paroisses peuvent être considérées comme de véritables communautés de vie et d'engagements vivifiées par et autour d'un prêtre animateur, avec le risque de voir la flamme s'éteindre au départ du prêtre".
? "Les communautés de base" de l'après-Vatican II ont été un temps d'espérance, de prise de recul par rapport à l'Eglise traditionnelle, dans l'aspiration à un changement, à une ouverture au monde. Mais elles se sont effilochées par divergences des engagements de leurs membres.
? Notre engagement en couple, comme permanents nationaux du M.R.J.C. a été un temps d'une vie communautaire chaleureuse".
? "Nous avons vécu en couple une certaine forme de vie communautaire avec le mouvement "Vie Nouvelle", dans le groupe local pendant une trentaine d'année (1955-1985).
La Vie Nouvelle permet à ses membres dans une vie de groupe, en communauté, une démarche d'intégration permanente de leurs dimensions personnelles et familiales, ecclésiales, sociales et politiques. En mettant en commun, dans le groupe, nos expériences de parents, de citoyens, de chrétiens, de militants, sans les cloisons qu'imposent les règles du jeu dans les groupements spécialisés, nous avons pu vérifier ensemble, en la pratiquant, la fécondité de cette vision synthétique et dynamique sur la personne humaine ne se réalisant que dans la relation aux autres, dans la participation à une communauté.
L'originalité de la vie partagée de cette communauté était signifiée par la mise en œuvre d'une péréquation de nos revenus, permettant d'assurer à chacun un "optimum vital", communautairement défini mais non sans quelques difficultés…
Avec le recul de l'âge, nous pouvons mesurer maintenant les mutations fondamentales que cette expérience de communauté de vie, de réflexion et d'engagement a apporté dans notre existence, dans le recentrage des valeurs humaines au sein de la société, dans la maturation de notre foi chrétienne et la relativisation de la médiation de l'Eglise, dans la nécessaire cohérence entre nos choix de vie et nos options politiques".
? "Nous participons à la communauté de la Mission de France comportant prêtres et laïcs, qui est comme un diocèse dans l'Eglise. Nous partageons une vie en équipe, de fraternité élargie, de dialogue avec des incroyants".
? "J'ai eu des expériences diverses de vie communautaire. La première communauté a été ma famille et ma fratrie, où j'ai appris le respect des autres au delà des divergences et les règles d'une vie commune, fondée sur l'amour. En coopération missionnaire en Afrique, j'ai vécu une communauté de partage. En congrégation religieuse, même en référence à Vatican II, la coexistence m'a paru abstraite, sans partage des réalités de la vie, sans lieu de parole. J'ai expérimenté la réalité d'une humanité faible et limitée. Mais c'est une expérience qui reste enrichissante et j'y ai vécu des choses belles et fortes.
La maladie m'a rattrapée dans cette vie et la congrégation n'était pas faite pour intégrer ma différence et mon handicap. Alors, il a fallu faire un choix : soit je restais et il me fallait nier ma maladie, soit je partais et tentais de vivre autrement dans le respect de mon corps. Je suis partie !"
? "La communauté de base à laquelle j'ai participé dans les années 70-80 était composée de couples et d'un prêtre : nous nous retrouvions pour des soirées d'échanges sur un thème, des célébrations et même des baptêmes. À deux reprises, nous avons participé à des rencontres nationales. Au départ du prêtre, le groupe n'a pas survécu.
Dans un autre groupe où régnait aussi un esprit communautaire, les rencontres étaient en lien avec nos engagements : - dans la vie politique (sensibilité autogestionnaire) ; associative (C.S.C.V., santé et consommation) ; dans les loisirs (nous aimions faire la fête). Je garde la nostalgie de ce groupe en raison de la convivialité, de la simplicité des relations, de la liberté, de la tolérance et de l'utopie qui y régnaient et que je n'ai pas retrouvé ailleurs. Cette expérience laisse dans ma vie une trace indélébile".
"La communauté, c'est le pied" !…(entre autres pieds…!) – cf. lecture d'un texte d'une moniale du Carmel de Chavagnes -.

QU'EST-CE QUI FAIT "COMMUNAUTE" ?

À partir de ces témoignages, nous avons ensuite essayé de définir les caractéristiques constitutives de ce qui fait communauté.
Une communauté serait ainsi une forme de vie, une entité de vie, réunissant des personnes qui mettent "des choses" en commun.
? Ce peut être le "vivre ensemble", soit de façon permanente, organisée (comme dans une communauté religieuse) soit de façon occasionnelle.
? Ce peut être des affinités idéologiques : convictions, croyances, vie de Foi, projet de société (justice sociale, droit des femmes…) ; projet politique (démocratie participative, alternative anti-capitaliste, contestation d'un système étatique…) ; motivations religieuses (contestation d'une organisation ecclésiale aliénante…) ; ouverture aux autres, à la différence, à l'exclusion…
? Ce peut être des liens humains : au niveau du logement, des quartiers, des lieux de travail ou de loisirs ; des liens culturels, une convergence d'engagements, une mutualisation de moyens, de services, une péréquation de revenus.
La Famille : communauté de vie obligée, non choisie…
? Ce peut être la recherche d'unité et d'efficacité dans l'action : action syndicale, politique, sociale ; défense des consommateurs, aide à la personne, aux handicapés…
Engagements en faveur du tiers-monde, des immigrés, des exclus, de l'écologie planétaire…

On ne peut parler de communauté, disent certains, s'il n'y a pas partage de vie, quel qu'en soit le degré et les modalités. Sinon, il s'agit seulement d'un regroupement autour de convictions, d'engagements communs, de croyances, d'affinité.…
La définition du dictionnaire semble aller dans ce sens : "Groupe de personnes vivant ensemble"… et poursuivant un but commun". Pour les communautés religieuses cependant, il est dit seulement :"société de religieux soumis à une règle commune, sans souligner la résidence commune.

LES PETITES COMMUNAUTES, DE MAI 68 A VATICAN II

- Les petits groupes ont toujours existé : la famille, les bandes, les groupes de partisans clandestins ou semi clandestins, les cellules ou sections de partis politiques, les équipes sportives, les syndicats, les apôtres (les douze !), les confréries, les ordres religieux…les sectes.
- Depuis la deuxième moitié du 20ème siècle, ces regroupements ont connu un regain d'intérêt notamment depuis le Concile Vatican II et l'espoir d'une ouverture de l'Eglise au monde, et la crise culturelle de Mai 1968, traduisant et laissant espérer une réponse aux aspirations et aux besoins dont ces deux évènements étaient porteurs :
- Besoin d'expression personnelle, plus facile dans un petit groupe, surtout si c'est la règle commune, que chacun puisse dire ce qu'il pense et être accepté sans être jugé, soit parce que c'est la règle commune d'acceptation de l'autre, soit parce que l'on partage un langage commun , des valeurs et des références communes. Le groupe représente alors comme une expression collective indispensable.
- Besoin de spontanéité : le groupe n'est pas imposé, il naît spontanément. On peut y être soi-même. Souvent, il n'a pas de but précis ni fixé à l'avance. Il est ouvert à la créativité, à l'imagination, à la recherche. Il s'autodétermine. On y vit une "expérience": son but, son efficacité, c'est cela même.
- Besoin de contestation : devant des structures légalistes et rigides, écrasantes et inadaptées, le groupe, où le pôle émotionnel, affectif, communionnel est important, conteste le type de société existant, rationnel, organisé, structuré, hiérarchisé, productif, puissant… et en même temps témoigne qu'un autre type de rapports humains est souhaité, voulu et possible, préfigurant une nouvelle société, expérimentant une "autre société".
- Besoin de participation : dans une société de consommation, le groupe permet d'avoir part aux décisions, aux responsabilités. On peut y avoir une influence d'autant que le groupe rassemble des gens qui ont une même vision politique, philosophique ou théologique et donc un langage commun.
- Besoin d'amour : dans un groupe d'amis, on est enfin reconnu, estime, aimé. C'est une compensation nécessaire à la compétitivité, la lutte, l'agressivité qu'impose la société. Et cela permet de vivre.
- Besoin d'autorité qui peut paraître paradoxal. Mais il s'agit d'une autorité non imposée, déléguée et consensuelle, temporaire et alternée. L'animateur remplace le chef. L'autorité de service remplace l'autorité de droit. L'autorité devient service que l'on reconnaît chez une personne connue.
Ces besoins et ces aspirations s'appliquent à la société globale comme à l'Eglise.

PROMESSES ET DERIVES DES COMMUNAUTES

Si le phénomène des petites communautés apparaissait porteur de promesses, notamment dans l'Eglise (communautés de base), il n'était pas exempt de dangers et de dérives.
Ces communautés de base n'ont pas été le ferment de renouveau de l'Eglise espéré et voulu. Elles se sont fait peu à peu bloquer et récupérer par l'institution.
Qu'en demeure-t-il aujourd'hui ?
L'aspiration à un renouveau de l'Eglise dans sa théologie et dans sa pratique, pour se libérer de "l'autoconsommation chrétienne" reste cependant bien vivante dans des groupes qui sont moins des communautés que des regroupements de conviction, comme les Réseaux des Parvis où nous nous situons, SEL 85.
Quant aux communautés ethniques, religieuses, idéologiques qui se développent dans nos sociétés mondialisées pluriculturelles, elles ne sont pas sans risques de dérives communautaristes et sectaires.
La revue "Notre Combat" des groupes "Témoignage Chrétien" signalait déjà dans les années 1970, à propos des communautés de base, les dangers d'un repli communautariste. Elle répertoriait :
• La dégénérescence en cercle fermé, devenant lieu d'autosatisfaction, d'enkystement religieux, de particularisme collectif;
• La non-communication avec le reste de l'Eglise, avec prétention à l'exclusivité;
• La cohésion affective et sentimentale du groupe dans lequel la Foi se méfie de l'intellectualisme et n'affronte plus la rationalité du monde;
• L'inaptitude à mesurer la dimension collective des engagements dans le monde et la méfiance vis-à-vis des institutions et des mouvements;
• La réduction à une vie "artisanale", émouvante mais vaine, fuyant les affrontements avec les conditionnements économiques, culturels, religieux;
• Quand l'esprit d'ouverture prophétique d'ouverture est remplacé par l'esprit de jugement, par le repli sur soi, dans la pureté et l'intransigeance dogmatique seule détentrice de la vérité, par le refus d'accepter les autres.
Alors une communauté qui commence à présenter de tels symptômes est en passe de dégénérescence sectaire. "Cela dit, ces risques sont l'indice de la valeur même de ces communautés" (Dominique Chenu).


EN GUISE DE CONCLUSION cet extrait d'un texte d'Andrès Lauson, des communautés de base d'Argentine, proposé en lecture de méditation pour clore notre rencontre :
"Il faut remplacer le "chacun pour soi" de la civilisation actuelle par la loi de la communauté, c'est-à-dire que chacun apporte tout ce qu'il peut en fonction de ses talents pour recevoir de la communauté tout ce qu'elle peut lui offrir pour la satisfaction de ses besoins. C'est l'égalité des droits dans l'inégalité des devoirs".

Rapporteur : J.F. MORINEAU

Retour  Menu