Le Rapport 2009 d'Amnesty International met
l'accent sur le fait qu'une crise des droits humains secoue actuellement
le monde. La bombe à retardement sociale, politique et économique
sur laquelle nous sommes assis explosera si rien n'est fait pour s'attaquer
aux problèmes relatifs aux droits humains.
L'insécurité, l'injustice et l'avilissement sont aujourd'hui
le lot de milliards d'êtres humains, et même si de nombreux
aspects de cette crise ont pris naissance avant l'actuelle récession
économique, il est évident que la situation financière
mondiale n'a fait que les aggraver.
Un nombre croissant de personnes vivent maintenant dans la pauvreté
et risquent de plus en plus de voir leurs droits fondamentaux bafoués.
En Afrique, la crise alimentaire qui a marqué
l'année 2008 a eu des répercussions disproportionnées
sur des groupes vulnérables. En Asie, des millions de gens sont venus grossir
les rangs de ceux qui vivaient déjà dans le dénuement
en raison de la hausse dramatique des prix des denrées alimentaires,
des combustibles et d'autres produits de première nécessité.
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la crise
financière et la hausse des prix des aliments ont touché
les catégories déjà pauvres ou à la limite
de la pauvreté, tandis qu'en Europe plusieurs États ont demandé
au Fonds monétaire international de les aider à soutenir
leurs économies. D'un bout à l'autre de la région,
l'écart entre riches et pauvres était énorme.
Il est évident, de plus, que la récession a attisé
la répression, des mouvements de protestation contre la pauvreté,
les disparités économiques et l'injustice ayant été
violemment étouffés.
En 2008, de nombreux gouvernements ont continué à ne
pas vouloir entendre les voix des pauvres et de ceux qui vivent en
marge de la société.
En Amérique latine et dans les Caraïbes,
où plus de 70 millions de personnes ont moins d'un euro par
jour pour vivre, la pauvreté, les inégalités
et les discriminations ont fait croître le nombre d’autochtones
qui se voient refuser leurs droits aux soins, à l'éducation,
à une eau salubre et à un logement convenable.
En refusant de tenir compte des droits humains, les gouvernements
ont mis leurs ressortissants en danger.
Au Myanmar, après le passage du cyclone
Nargis, le gouvernement a dans un premier temps refusé d'acheminer
l'aide internationale destinée aux 2,4 millions de rescapés
et a consacré l'essentiel de ses moyens à la promotion
d'un simulacre de référendum sur une constitution de
pacotille.
Les entreprises et les gouvernements ont continué à
s'enrichir financièrement aux dépens des plus marginalisés.
Dans le delta du Niger, une vaste région du Nigeria au sous-sol riche en ressources
minérales, sur fond de meurtres et d’actes de torture
commis par les forces de sécurité en 2008, une contamination
étendue de l'environnement liée à l'industrie
pétrolière a mis en péril le droit de la population
à un niveau de vie suffisant et à la santé.
En ne mettant pas les droits humains au premier plan, les dirigeants
du monde ont omis de se pencher sur un aspect essentiel de la solution
qui permettrait d'obtenir une stabilité économique et
politique à long terme. Tandis que le G20 revendique le droit
de diriger le monde, on peut émettre de sérieux doutes
quant à l'engagement de ses membres en faveur des droits humains.
Ainsi, d'après les informations parvenues à Amnesty
International, des personnes ont été maltraitées
et torturées en 2008 dans 15 pays membres du G20.
En Chine, lors des préparatifs des Jeux
olympiques et pendant toute la durée des compétitions,
la répression s'est durcie dans l'ensemble du pays contre les
défenseurs des droits humains, les pratiquants de certaines
religions, les minorités ethniques, les avocats et les journalistes.
La Chine continue d'être le pays du monde qui procède
le plus aux exécutions capitales.
Aux États-Unis, le gouvernement de Barack
Obama a bien débuté en entreprenant de faire cesser
la torture et les détentions prolongées au secret par
la CIA et de fermer le centre de détention de Guantánamo
d'ici à janvier 2010 (???). Les États membres de l'Union
européenne sont cependant réticents à reconnaître
qu'ils ont coopéré avec la CIA dans les «
restitutions extraordinaires » de personnes soupçonnées
de terrorisme. Des États comme l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont fait valoir des
« assurances diplomatiques » dénuées
de toute garantie pour justifier le transfert de terroristes présumés
vers des pays où ils risquaient d'être torturés
ou autrement maltraités.
Au Brésil, lors d'opérations
policières menées dans des communautés urbaines
pauvres, les forces de police ont fait un usage excessif de la force,
procédé à des exécutions extrajudiciaires
et eu recours à la torture et à d'autres types de violences.
L'Afrique du Sud a mis un frein aux pressions
exercées sur le Zimbabwe par la communauté internationale
pour faire cesser les persécutions politiques. En Arabie saoudite, les opposants politiques
sont incarcérés, les droits des travailleurs immigrés
et des femmes sont soumis à des restrictions et les tribunaux
prononcent fréquemment la peine de mort. Les autorités
continuent à autoriser la détention arbitraire et la
torture en Russie et, dans le Caucase du Nord, les
exécutions extrajudiciaires ainsi que le harcèlement
et les agressions de défenseurs des droits humains.
Au Japon, le nombre des exécutions s'est
accru, des détenus ont été soumis à de
longues périodes d'isolement et l 'accès aux soins médicaux
en prison restait insatisfaisant.
Le monde a besoin d'une forme de direction qui fonctionne pour tous
ses habitants et pas seulement pour quelques privilégiés,
d'une impulsion capable de faire bouger les États et de les
faire renoncer à leurs propres intérêts étroits
pour s'engager dans une collaboration multilatérale.
Le monde a besoin d'une nouvelle donne mondiale pour les droits
humains
C'est uniquement avec une réponse mondialement coordonnée,
fondée sur les droits humains et état de droit, que
l'on pourra faire face aux conséquences de la crise économique.
Les dirigeants du monde doivent s'investir dans les droits humains
avec autant de détermination que dans la croissance économique.
Les participants à cette table ronde qui entend diriger le
monde ont le devoir de donner l'exemple, en adoptant eux-mêmes
un comportement irréprochable. Et il nous incombe à
nous, en tant que citoyens, en tant que détenteurs de droits,
de faire en sorte que la pression s'exerce sur nos dirigeants politiques.
En lançant sa campagne Exigeons la dignité, Amnesty International
espère s'attaquer à la pire des crises qu'a connue le
monde dans le domaine des droits humains. Nous allons oeuvrer ensemble
pour lutter contre les atteintes aux droits humains qui participent
à l'extension et à l'aggravation de la pauvreté,
afin de donner à ceux qui sont pris dans l'étau de la
misère les moyens de changer eux-mêmes leur vie.
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