ÉCRIRE






crire, mais pourquoi donc ? 
Le saura-t-on jamais ! Cherchons donc...


Écrire, qu’est-ce donc que ce mot dépassé ? 
Passé, outrepassé, surpassé ? Mais non !
Mais lequel d’entre nous veut-il encor écrire ? 
Paradoxe. Nous écrivons, comme nous respirons
Pourquoi nous tourmenter à vouloir tout transcrire ? 
Tourments, doux tourments que d'écrire, libération que d'écrire !
Donc, faisons comme tant et laissons le passé !
Jetons-le sur le papier, écrivons-le à l'encre de nos joies et nos peines !
Tâche d'encre sympathique que la plume vient éveiller, 
Extirper de la bouche de l'univers, au silence froid d'une nuit d'étoiles
Quand le premier rayon de soleil frôle la terre,
Traverse la croisée du chemin, de l'endormi à l'éveillé,
Et touche au cœur de l'être assoiffé de filantes qu'il voudrait saisir
Dans la Magie d'écrire, d’émouvoir, de faire sourire... 
Magie d'instants saisis se donnant la main 
Pour former une ronde universelle... 


Parce qu'écrire est le premier geste de la parole qui se reconnaît 
Et se grave dans le temps
Parce qu'écrire est la parole de l'esprit
En ayant l’air de s’oublier
En ayant l'air de se fondre pour renaître
Parce qu'écrire est une nécessité intérieure 
Un appel de tout l’être, 
Un cri qui s'évade en écho comme semence au vent
Et qui dans un souffle, 
Dans un vertige de la poussière, jaillit d'une explosion d'étoiles.
Aussi clandestin qu’improbable 
Un geste incroyable, humble et merveilleux, intime et universel
Mystérieux 
Veut se prendre en main 
S’assumer, se consumer, se sublimer,
Et se dépasser, cultiver la fleur naïve,
Traduire l'indicible, tout au moins le tenter
En transcendant mots et idées
Et par ce geste se confondre au monde, dans la fusion des infinis,
Là où il se reconnaît, là où il se sent dépassé,
Là où il est résidé, là où il est rejeté,
Révéler ce qu'il est et même se confronter à Goliath !
S'y perdre et tout cela à jamais pour se retrouver mille fois plus humain 
Exprimer le divin quand il se fait silence...
S'élever d'un cran dans la conscience universelle
S'écarter de la science pour inventer l'imaginaire de la découverte !
Bâtir son nid, son jardin secret, peindre l'abstrait, 
Mettre son âme à nu, son cœur sur la main,
Son trésor dévoilé, son escarcelle songée,
Sa recherche d'Amour, en manques, en espoirs
Tout en regardant derrière 
Jusqu’au pays d’hier à la pointe des découvertes et des migrations
Pour éviter le frisson insaisissable de ce qui vient devant
Regard vers le futur, extrapolation du hors-temps et du hors-lieu
Mêler les "hier" aux sauces du futur, non sans avoir filtré l'amertume d'antan.
 

Écrire, toujours écrire, en corps de cœur, 
En chœur d'accords comme nous le faisons à la saison des poètes,
Parce qu'il n'y a pas d'autre alternative 
Pour changer l'univers, pour positiver la vie
Que d'en changer les mots, ceux qui tuent, ceux qui blessent, 
Les fusionner, les aligner en signes et symboles 
Parfois indéchiffrables, infinitésimaux
En masquer les couleurs pour aussitôt les recréer 
Sur la palette lactée des nuits interminables
Commencent alors mille voyages astraux 
Qui seront décodés par les esprits-frères


Écrire aujourd'hui parce que demain est éphémère
Et que seul le présent est divin puisqu'il est hors du temps !
Les mots univers et les univers-mots qui glissent ou rampent
Sous nos couvertures d'habitudes et de convenances 
"Pitoyables armures d’humains en déroute,
Avec les préjugés, préconçus en sortie de soute"
Et qui lentement font notre visage
Masques tombés de pierrots désenchantés, blessés, tombés à terre,
Mais toujours funambules célestes accrochés à des cerfs-volants d'amiour !


Écrire la lumière parce que les ténèbres envahissent 
Et qu'il nous faut sans cesse les combattre 
Pour ne pas disparaître avant d'avoir écrit des amours de soleil 
Et des secrets de nuit! 
Écrire parce que la conscience a soif d'elle même
Écrire pour mieux se retrouver
Écrire parce que la science est ténèbres
Et qu'elle est dogme tuant les rêves
Pour mieux se perdre encore
Pour mieux se glisser dans la roue des carrosses enchantés 
Sans éviter les ornières. Conscience trop lourde de ce savoir des autres
Elle qui ne veut ce savoir que d'elle-même
Pour sans cesse pouvoir se recréer en cherchant l'au-delà
Elle veut respirer du soleil des cimes 
Aux anciennes neiges de guipures,
Connaître le vertige du haut des cimes inviolées... 
Plonger au fond des océans originels
Où vibre encore le premier mystère de vie
Puis s'extirper de son placenta liquide 
Et respirer enfin notre être-univers...
Notre être archaïque retrouvé, nos racines premières
Et cet espoir ultime tendu vers la lumière. 


Écrire l'âme, ô l'âme esseulée, qui s'éveille comme une fleur 
Un matin à la rosée
La fleur s'épanouit, s'offre sans retenue
Puis ses pétales s'éparpillent
Un souffle de vent emporte les semences qui en donneront d'autres, 
Tout comme nos écrits, relais de la pensée, violettes impériales...


Écrire la laideur, la beauté, le vrai et le faux,
Écrire la naïveté oubliée
En faire le tour de haut en bas, cœur battant
Comme l'enfant sevré du sein,
Qui hurle sa faim
Qui réclame sa mère 
Qui pleure l'émerveillement de la simplicité 
Et à jamais s’en désespère
Comme le geste de naître vivant 
Premier cri jailli du ventre de la terre
Vibrant de toutes ses essences
Re-naissance bénie 
Souffle d’infini, de lointaines galaxies, 
Élan du big-bang, incessante mutation cosmique. 
Au sortir de la caverne où nous avait emmuré le silence
Celui qui tue le poète, tout comme fleur fanée sur pierre tombale...
Qui laisse la langue muette, qui fige le geste et contraint le regard
L'us et la coutume de la "normalité" 
De la norme des autres et de personne
La culture de l'autre qui ne se reconnaît plus,
Et pour cause, pour vice de forme ou troublante ressemblance de fond...
Lui qui homme et femme à la fois nous a remis ce poids du silence
Dans son regard qui nous fait sien et sienne...
Il lègue à l'après un trésor manuscrit. 


Écrire, c’est tout l’Art que chacun peut s’offrir ! 
Papier, crayon, présent et souvenirs
C’est un détail subtil d’une toile de Maître repétri sans arrêt tel un gros tas d’argile !
C'est aussi le souffle, l'instant, le geste 
Il chante dans les doigts un instrument agile réagissant toujours aux humeurs, 
Au mal être.  Et le bonheur, enfin, surgit d’un long souffrir...
Ainsi avec le souffrir, en finir...


Écrire pour fonder la Terre, pour l’offrir en sacrifice,
La modeler tel l'argile de nos rêves
Pour la féconder d'espérance
Et enfin laisser libre place à la noble et pure création,
L'émergence du vivant au seuil de nous même, 
L'invention du créé qu'il ignore quand il croit tout savoir ! 


Écrire pour répandre le sel encore vierge de l'être espéré 
Et de l'être naissant qui crie avant même que d'ouvrir les yeux au Monde
Alors qu'il éclot dans l'orbes des mots des phrases des consonances 
Dans l'orthographe des sons, les jambages des lettres,
Dans l’épaisseur des silences, la musique de la parole,
Dans l'alcôve, les couleurs chaudes de l'espace,
Dans l'harmonique de l'univers devenir/devenu 
Émergeant de la déchirure, le sang d'encre jaillit, 
La plume se casse, s'envole et devient folle 
Jusqu'au rappel à l'ordre du couperet sans appel !
Mais la déchirure laissera cicatrice à la mémoire
Cicatrice des abîmes et des cieux où ombre et lumière font uns
Cicatrice aussi résistante que fil d’araignée
Car, il ne faut pas oublier, rien oublier, de ce qui fut et de ce qui est.
Tout renaîtra sur le fil des mots transcendés de souffrance
Et gonflés de plaisir jusqu'à la jouissance 
De l'écriture elle-même qui se veut création. 


Écrire pour qu'enfin la conscience 
Cette éternelle fuyante
Se perçoive 
Se sente 
Se miroite et ultimement se dessine
Et enfin se révèle à elle-même dans l’éblouissement de la lumière,
Re-connaissance de soi 
Re-connaissance de l'autre
Non comme le fantôme d'une espérance
Trop longtemps chahutée
Mais comme le geste achevé qui ose enfin s'avouer 
Se dire et se révéler
Humble et nu
Pur et disponible à lui-même
Au tout révélé montrant majestueusement le chemin à parcourir... 


Écrire, oh oui enfin écrire, parce qu'il n'y a pas d'autre alternative 
Pour changer l'univers
Que d'en changer les mots, pour en guérir les maux,
De les coucher sur l'âme, les aligner sur le cœur
Et par là, faire que je suis demain
Et maintenant pour les demains avec tous les "hier"
Et ainsi faire que jamais il n'y ait un point 
Ni une suspension, ni une interrogation, ni une négation
Au bout de ma phrase et de moi même 
Jamais une fin qui ne soit commencement 
Jusqu'au point final 
Qui n'est qu'un point d'orgue d'une symphonie toujours inachevée.
Fût-il éternel ? Nous ne le saurons jamais...
À jamais
Et pour toujours,
Mais qu'importe !!! Le temps s'écrit au présent, 
Tout comme la Parole dont il est le symbole